Le livre d’A/R

« … qu’est-ce qu’une galerie d’art contemporain aujourd’hui ? L’internationalisation du marché de l’art a créé une scission abyssale d’une part entre les galeries « de négoce », véritables multinationales se livrant une concurrence acharnée en terme de marketing et de communication, attirant aussi les artistes les plus en vogue et un public aux moyens financiers considérables, et d’autre part celles « de promotion », aux structures légères fonctionnant comme de petites entreprises ou sur un modèle associatif. Andata / Ritorno appartient à l’évidence à cette seconde catégorie, sans pour autant représenter le modèle de la galerie traditionnelle aux expositions en « tapissage » et vernissages avec petits fours et discours officiels. Son positionnement à rebours des stéréotypes et lieux communs offre aux créateurs l’opportunité d’exposer dans des conditions où l’action artistique importe plus que la question de la vente, une politique « à risque » révélant autant sa vulnérabilité et ses limites que le désir de requalifier l’art en termes de morale et d’utilité socio-culturelle. Voilà pourquoi le laboratoire Andata / Ritorno est devenu un foyer de découvertes contribuant à régénérer la scène artistique et à sensibiliser les publics aux formes les plus innovantes de l’art.
Mais, en définitive, la plus importante action d’Andata / Ritorno durant ses trente-cinq d’existence a probablement été d’interposer une présence, une énergie et une volonté face à la confiscation de l’art contemporain entre quelques mains du système marchand et institutionel. Monopole de l’art ou art du monopole, le processus de dépossession culturelle avance à grands pas fragilisant chaque jour davantage les galeries dans leur mission de promotion des artistes vivants. La réappropriation d’une parcelle de ces terres conquises par la mondialisation du marché de l’art représente sans doute l’un des principaux enjeux auxquels l’ensemble de ce secteur semble désormais confronté. »

(Extrait du catalogue, Texte et entretien avec Joseph Farine : Françoise-Hélène Brou, Galerie Andata / Ritorno, 2017)